Interview du mangaka Senchiro, l’auteur de Sweet Konkrete

Lors de la Japan Expo 2022, j’ai eu l’occasion de rencontrer quelques éditeurs et quelques auteurs, notamment Senchiro, l’auteur de Sweet Konkrete. Aujourd’hui je vous propose donc l’interview de ce mangaka français qui a sorti cette année sa première licence en France et en papier. Directement chez Kana, ce n’est pas banal comme situation et plutôt cool, on ne va pas se mentir. L’occasion d’en apprendre plus à la fois sur le métier de mangaka en France mais aussi sur l’auteur. Bonne lecture !

Bonjour Senchiro, pourrais-tu te présenter et nous expliquer ton parcours dans le monde du manga ?

Moi c’est Senchiro, j’ai 27 ans, je dessine depuis tout petit, mais vraiment, depuis que j’ai 2-3 ans c’est mon passe-temps. Jusqu’au lycée je dessinais comme ça pour m’amuser, je recopié tout ce que je voyais à la TV ou les personnages dans les bandes dessinés. Au lycée je me suis mis sérieusement à la BD, parce que je savais que je voulais vraiment en faire mon métier. Du coup je me suis inscrit sur des forums de manga amateur et j’ai commencé à faire des planches, à faire mes propres histoires…

J’ai fait ça pendant toute la période de mes études. De mes 15 ans à mes 22-23 ans. Après, j’ai commencé à faire un dossier d’édition afin de le présenter aux éditeurs. En attendant d’avoir un dossier correctement terminé, je faisais des illustrations en freelance. Ça payait un peu le matos de dessins au moins ! En 2019 j’ai envoyé mon dossier à deux éditeurs et à Kana. Et fin 2019, j’ai signé chez ces derniers, le courant est tout de suite passé !

Enchainons avec une présentation de ton manga Sweet Konkrete ?

Alors, ils meurent tous à la fin (rires)… Sweet Konkrete c’est l’histoire d’Asa, une flic, qui va découvrir que la mort de son père (lui aussi flic) est entourée de mystère. Son instinct de flic va la pousser à faire des recherches et à découvrir la vérité. Elle va chercher des pistes, son aventure va l’emmener dans un endroit appelé la citadelle. Une sorte de ghetto magique géré par des clans sans foi ni loi. Elle va devoir se débrouiller au milieu de cet endroit pour trouver des réponses à ses questions car visiblement, son père est relié à cet endroit. C’est un mélange d’enquête policière, d’action et de fantastique. Au niveau des influences c’est un mélange entre Alice au pays des merveilles et des films de gang asiatique que j’ai toujours adoré.

Pour toi, quelles sont les plus grandes difficultés de ce métier ?

C’est de prendre du recul sur son travail… La BD, c’est quelque chose d’ultra chronophage, comme tu es constamment dans tes pages… C’est pas comme de l’illustration où tu peux parfois la faire en une journée, la regarder, la laissée se reposer et revenir vers elle. La BD, tu n’as pas ce temps-là, car tu essayes de produire un maximum en un minimum de temps pour être un maximum productif et bien gérer tes « deadline ». Heureusement il y a les éditeurs qui eux, ont un regard extérieur et nous permettent de nous recentrer un peu. Clairement moi, sans mon éditeur, ça serait la plus grosse difficulté de réussir à me mettre à la place de quelqu’un qui découvre l’œuvre. Le reste, comme passer des journées chez soi à dessiner, moi je fais ça depuis que je suis tout petit donc ça ne me dérange pas… (rires).

Quelles sont tes inspirations ?

Pour Sweet Konkrete, au niveau de l’histoire il y avait Alice au pays des merveilles, c’est l’une de mes histoires préférées. En termes de narration je me suis un peu inspiré du Batman de Scott Snyder (le comics donc), un peu le côté détective de Batman que j’aime beaucoup. Il y avait la série Mr Robot pour le côté voix off et comme je te disais tous les films un peu asiatique où il y a de la bagarre moi je trouve ça trop génial. Après graphiquement niveau manga je dirais que Jojo’s Bizarre Adventure et Doro Doro sans doute, mais dernièrement il y a eu pas mal Dandadan pour le trait graphique. J’ai beaucoup aimé aussi certains illustrateurs qui ont bossé sur Gravity Rush / Gravity Daze. Parfois je m’inspire sur tellement de sujets différents : des photographes, des jeux vidéo, d’autres mangas, des BD… Tout m’inspire finalement !

Comment fait on pour se gérer financièrement en tant que mangaka en France ? (question posée par el_maxoo_drawings sur Instagram).

En général quand tu signes avec un gros éditeur, c’est fait exprès pour que tu ne puisses faire que ça. Tu as des avances sur droit suffisamment élevé pour en vivre. Après j’ai quand même des potes en auto-édition. Eux ont un taff à côté et proposent leurs mangas sur Ulule ou Kickstarter.

Peux-tu nous raconter une journée type ?

Je fais des horaires de bureau, je commence à bosser 9h et je m’arrête vers 19h +/-. Quand je fais des pages, je fais ça clairement toute la journée. Quand je suis plutôt dans de la création (histoire, le scénario, le story-board ou de la recherche graphique de l’univers), la c’est plus varié, c’est-à-dire qu’admettons je fais du scénario le matin, mais l’après-midi je fais du story-board. Je fais jamais toute la journée la même chose dans ces cas-là. C’est des étapes qui demandent énormément de réflexion du coup je m’épuise beaucoup plus vite. Souvent, je fais des trucs cérébraux le matin (genre story-board ou scénario) et l’après-midi je me détends en faisant de la recherche de charadesign ou de décors.

Tu utilises plutôt du matériel à l’ancienne ou tu es uniquement sur tablette ? (Gohan). Je suis plus traditionnel, quand je fais des recherches, j’aime bien faire ça sur papier, j’ai un meilleur feeling. Après, tu vois, récemment, j’ai essayé de faire un projet 100% numérique, une histoire courte. C’est nouveau pour moi, j’essaye de m’y forcer, c’est pas le truc que je fais naturellement. Actuellement sur Sweet Konkrete, je fais la couleur sur l’ordi car je suis pas assez à l’aise sur papier (et je gagne du temps). Je fais tout en tradi jusqu’à l’encrage, après je fais les trames et les aplats de noir via l’ordi.

En France pour l’instant ce n’est pas malheureusement viable de prendre des assistants, surtout si tu as pas une série pérenne. Actuellement, seul Reno et ZD ont des assistants en France. D’un côté, moi pour l’instant, je ne préfère pas en avoir. Mon style évolue encore tout au long des chapitres. Du coup si j’avais eu un assistant dès le tome 1, le pauvre aurait passé son temps à refaire toutes les planches plusieurs fois. Je pense que c’est un réel atout quand tu as fixé ton style, tes méthodes…

Ton top 3 manga actuel et ancien ?

Alors pour les anciens mon top 1 c’est Jojo’s, top 2 je dirais One Piece au niveau des émotions et Top 3 Bleach parceque Kubo j’ai pompé son style sans aucune honte (rires). Et en manga actuel ? Je peux mettre les auteurs plutôt que les œuvres (oui je triche un peu) ?! Alors je dirais Fujimoto (l’auteur de Chainsaw Man, Fire Punch…), Inio Asano (l’auteur de notamment Dead Dead Demon’s Dededededestruction) et 2 en plus : Jun Mayuzuki (pour Kowloon Generic Romance) et Yukinobu Tatsu pour Dandadan.

Merci Senchiro pour cette interview si intéressante ! Retrouvez l’auteur à travers le manga Sweet Konkrete mais aussi sur ses réseaux comme twitter (@Senchiro3).

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